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et juste en ce moment la désignait du doigt à l’une de ses voisines.

VII

Augusta, les yeux baissés, fit un pas pour se retirer.

« Pas encore, pas encore ! » vociféra son bourreau.

Alors, il se leva, et prenant sa grosse canne, qu’il avait déposée dans un coin, il en frappa un grand coup au bas de la carte. Tout l’empire germanique en trembla. « Dans tout cela, reprit-il avec l’accent d’une joie sauvage, que devient la France ? Montrez-moi la France ! »

Augusta redressa la tête ; elle ne tremblait plus, ses narines s’étaient gonflées, ses yeux brillaient et ses joues s’étaient couvertes d’une rougeur brûlante. Elle allait dire quelque chose d’extraordinaire, tout le monde le sentait sans deviner ce que ce serait.

« Où est la France ? rugit l’inspecteur, en donnant un nouveau coup de canne sur la carte.

— Elle est là ! » répondit Augusta en posant simplement sa petite main sur son cœur.

L’inspecteur devint si cramoisi et le maître d’école si blême, que les enfants s’attendaient à quelque catastrophe épouvantable. En ce moment, le vieux coucou sonna l’heure de la sortie, et tous, comme d’un commun accord, se glissèrent en silence hors des bancs et disparurent. Augusta les suivit, sans que personne songeât à la retenir. Tous, même les plus malveillants, s’écartèrent avec un respect involontaire pour laisser passer la courageuse enfant qui avait si noblement confessé sa foi. Frédérika se rendit justice, et n’essaya jamais de remettre les pieds dans la grande maison d’où l’on voyait le Fuchsberg et la route de France.