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plaindre, et ne pleura que quand elle fut seule. Il n’y eut point d’explication entre les deux amies, et ce petit nuage se dissipa comme les autres : Frédérika ne se montrait jamais si tendre et si empressée qu’après chacune de ses petites trahisons.

V

Le mois de mai était venu. Par une belle matinée, les enfants bourdonnaient à l’école comme les abeilles dans une ruche ; les fenêtres étaient ouvertes ; une brise parfumée qui avait passé sur les champs et sur les bois agitait les brindilles du gros jasmin de l’école ; on distinguait à travers une brume transparente les flancs du Fuchsberg tout marquetés de carrés de bois et de vignes. Augusta, pensive, regardait la route de France. Tout à coup, il y eut un bruit de porte brusquement ouverte, et un vacarme d’écoliers qui se bousculaient pour montrer leur empressement à se lever. Augusta tressaillit et tourna ses regards du côté de la porte. Le maître d’école se tenait humblement courbé en deux devant un gros petit homme qui avait un air rogue, une figure apoplectique et d’énormes lunettes d’or.

« Monsieur l’Inspecteur ! disait le maître d’école, Monsieur l’Inspecteur… » Il était si ému, que sa harangue en demeura là. M. l’Inspecteur daigna s’asseoir ; M. l’Inspecteur daigna tourner ses lunettes, d’où jaillissaient des éclairs, vers le fond de la salle ; M. l’Inspecteur enfin daigna inspecter. Chacun des écoliers et chacune des écolières étala ses petites connaissances. Tout alla bien jusqu’au moment où ce fut le tour d’Augusta. Alors le maître d’école se pencha respectueusement et dit deux mots à l’oreille de M. l’Inspecteur. Ce dernier fit un signe de tête et ordonna à l’enfant de sortir de sa place.