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du rideau, pour regarder sur la place les ébats des petits étrangers. Elle avait le cœur bien gros en les voyant jouer ; car ce n’est pas à son âge que l’on aime ou que l’on supporte la solitude. À la fenêtre d’une pauvre petite maison d’en face, elle vit un jour une fillette de son âge qui lui souriait. Ce jour-là, elle rougit et laissa vivement retomber le rideau. Le lendemain, comme la petite étrangère lui souriait toujours, elle lui sourit aussi. Le cœur d’un enfant ressent si naturellement de la sympathie pour les autres enfants ! L’étrangère, un beau jour, lui envoya si gentiment un baiser, qu’Augusta ne put s’empêcher de lui répondre par un baiser.

III

Quand vint la rentrée des classes, Augusta retrouva à l’école son amie inconnue. Elle traversa la place avec elle, et sut aussitôt qu’elle s’appelait Frédérika Hauser. Au bout de quelques jours, les deux fillettes n’avaient plus de secrets l’une pour l’autre. Frédérika avoua ingénument qu’elle aimerait beaucoup à voir la grande maison d’Augusta et ce fabuleux jardin dont elle lui faisait de si merveilleux récits. Les grands-parents d’Augusta, trop heureux de penser que leur petite-fille ne serait plus isolée et prendrait quelque distraction, lui donnèrent la permission d’amener son amie.

L’amie joignit les mains et se récria sur la richesse de la maison (qui était cependant bien modeste), et sur la beauté du jardin ; elle admira, comme il convenait, la vue du Fuchsberg, visita volontiers la cuisine et fit, séance tenante, connaissance avec les pâtisseries de la vieille Orchel. La bouche pleine et les yeux humides, elle jura à Augusta une amitié éternelle. Ce serment se fit dans l’embrasure de la fenêtre, juste au-dessous de la cage du vieux sansonnet déplumé, qui protesta faiblement par quelques cris inarticulés.