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PIÈCES JUSTIFICATIVES.

et les mousses. Il m’annonça même qu’il pourrait se remettre à quelques ouvrages commencés, tels que l’opéra de Daphnis et de la suite d’Émile.

« Tous ces projets démontrent assez que M. Rousseau jouissait encore, dans les derniers jours de juin, peu de temps avant sa mort, de la santé et de la tranquillité nécessaires pour les former et les goûter, et qu’il avait l’espérance de vivre encore quelques années dans sa retraite.

« Le suicide, ajoute M. de Presle, était contre les principes de Rousseau, et je me suis assuré, par l’examen le plus scrupuleux de toutes les circonstances qui ont accompagné, précédé ou suivi sa mort, qu’elle a été naturelle et non provoquée. »

L’on trouve, dans une addition faite par M. Magellan, savant Portugais, à la notice de M. de Presle, le portrait suivant de Jean-Jacques, fait dans le mois de juin 1778 :

« Rousseau n’avait rien dans sa physionomie qui l’annonçât, si ce n’est la vivacité de ses yeux. Son air simple et modeste, sans afficher aucune prétention, ni laisser échapper aucun signe de l’élévation de son esprit, ne l’aurait jamais fait prendre pour ce qu’il était. La tranquillité de son âme et le contentement de son cœur se produisaient sur son visage et dans ses discours ; il entrait sans difficulté dans les sujets et les propos les plus indifférents de la conversation : lorsque l’on s’adressait à lui, ou que son tour venait pour la soutenir, il s’exprimait avec une naïveté charmante qui annonçait la candeur de son âme. Il avait ce-