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la gaieté dans ces sortes de plaisirs ; invitez vos aimables, ils valent mieux que moi pour cela. » Cet homme ne jouit de rien, n’est propre à rien ; il est rongé de modestie, mais d’une affreuse modestie, d’une humilité hostile qui le met en garde contre tout le monde : c’est une lèpre imaginaire qui lui fait fuir ses semblables. Cette maladie est heureusement fort rare en ce pays, et nous n’en parlons que pour la constater.

Notre monsieur était de ces gens-là, non parce qu’il se croyait sans mérite, mais parce qu’il se sentait petit, et que sans cesse il se disait à lui-même — que plus il vieillirait, plus il engraisserait et plus il paraîtrait petit.

Pour lui tout était gêne et souffrances. Ce petit corps renfermait un grand cœur plein de haine, d’une belle haine aux proportions herculéennes, toujours vivace, toujours renouvelée, universelle, et cependant partiale ; car, s’il détestait tous les hommes en général, il abhorrait en particulier :

1o Tout être doué d’une haute stature ; il le regardait comme son ennemi, comme un