ces visions, elle s’y attendait, elle y comptait ; si elles lui avaient manqué plusieurs jours, elle aurait été malheureuse. Sa vie se passait doucement, tantôt à faire des vers brillants de jeunesse et d’espérance, tantôt à courir dans le jardin assez grand de la maison qu’elle habitait ; elle chantait souvent, pendant des heures entières, des airs connus, et puis d’autres qu’elle improvisait dans sa joie. Sa mère, qui entendait ses folles roulades, lui demandait alors :
— Qui te rend si contente ?… Qu’as-tu donc ?
Elle n’avait rien ; elle avait seize ans et il faisait beau ; cela suffisait bien pour expliquer ce bonheur. Le séduisant fantôme était aussi pour quelque chose dans cette joie ; mais Clarisse ne pouvait le savoir, puisqu’elle croyait que ces apparitions extraordinaires étaient un effet de son imagination.
Quelquefois elle en parlait à sa mère en riant.
— Oh ! maman, disait-elle, il m’est arrivé hier une chose singulière : comme j’arran-