Page:Girardin - La Canne de M. de Balzac.djvu/135

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sait qu’ils avaient dû se passer dans les temps fabuleux de l’histoire, n’imaginant pas que, dans la rue Saint-Honoré ou dans la rue de Gaillon, il pût rien arriver d’extraordinaire à une femme qui habitait chez son mari avec ses enfants. D’ailleurs elle lisait fort peu, quelques pages le soir pour s’endormir, comme elle le disait elle-même ; et ce qu’on lit dans ce but est rarement fait pour exalter les pensées et troubler l’imagination.

Elle n’était donc gardée par rien, ni par des rêveries folles, ni par des idées fausses, et un amour véritable, un événement singulier, devaient la trouver sans défense. On crie beaucoup contre les imaginations romanesques ; je les crois, au contraire, beaucoup moins faciles à entraîner que les autres. L’habitude de vivre dans un monde imaginaire leur inspire des préventions contre tout ce qui se passe dans le monde réel. Les événements de la vie ne leur semblent jamais dignes d’occuper leur âme, ce n’est jamais cela qu’elles attendent, pour éclater. Et j’ai toujours vu ces jeunes filles au front pâle, au