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présentent. En lisant ce nom : Victor-Louis de Châteaudun, maréchal de France, il est resté immobile et m’a regardée d’un air étrange ; puis il remarqua un très-beau portrait de femme, au bas duquel il lut cette inscription :

« Marie-Félicité-Diane de Châteaudun, duchesse de Montignan. »

Alors, il se retourna vivement vers moi, et, la pâleur au front : — Louise ! s’écria-t-il…

— Non pas Louise, ai-je répondu ; Irène !… et tout l’orgueil de mon sang éclata dans ma voix, quand je redevins moi-même devant lui.

Un moment il garda le silence. Une tristesse amère se peignait sur son visage. Je n’en fus pas effrayée. Ce n’est rien, pensai-je ; c’est de l’envie ; il est dur, pour un homme qui se sent généreux, d’être vaincu en générosité. Il est douloureux, quand on croit tout donner, de découvrir qu’on va recevoir des millions ; il est cruel, quand on rêve la volupté des sacrifices comme un héros de roman, d’être forcé de faire platement une belle affaire comme un banquier ou un agent de change.

Mais Raymond était plus que triste, et son maintien presque sévère m’alarma, et pour mon amour et pour ma dignité… Il était allé s’asseoir loin de moi… Je m’approchai de lui, et, tremblante d’émotion, les larmes aux yeux :

— Vous ne m’aimez plus ? lui dis-je.

— Je n’ose aimer la fiancée d’un de mes amis…

— Ne me parlez jamais de M. de Monbert, ni de vos scrupules : il ne les comprendrait pas.

— Mais il vous l’avait dit : il vous aimait, mademoiselle. Pourquoi l’avez-vous quitté brusquement ?

— Je me défiais de cet amour et je voulais l’éprouver…

— Eh bien ! quel est le résultat de l’épreuve ?

— Il ne m’aime pas et je le méprise.

— Il vous aime et vous devez l’honorer.

Alors, pour ne pas entrer dans de pénibles explications, pour ne pas descendre à me justifier, je lui ai remis une