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non sec et ennuyé à toutes mes demandes. Les fenêtres de l’appartement d’Irène étaient fermées, et elles avaient cette immobilité de désolation qui annonce le vide intérieur. Fenêtres si joyeuses autrefois lorsqu’une petite main leur ménageait des évolutions intelligentes, et que de mystérieuses ouvertures laissaient échapper au dehors la frange d’une robe, ou de longues boucles de cheveux !

Le portier ment, les fenêtres mentent ! ai-je dit, et j’ai recommencé mon voyage dans Paris.

Cette fois j’avais un autre but que celui d’arriver par la fatigue et l’épuisement du souffle à quelque secourable et artificielle distraction.

Mes yeux se multipliaient à l’infini : ils interrogeaient à la fois les fenêtres, les portes, les issues des passages, les vitres des voitures, les allées des promenades. Je ressemblais à cet avare qui accuse Paris et ses faubourgs de lui avoir volé son trésor.

À trois heures, vous savez quel monde brillant et empressé monte et descend le large trottoir de la rue de la Paix aux Panoramas ; on croirait voir s’étaler à l’ombre ou au soleil, selon la saison, tous les habitants d’une ville opulente. J’étais là, retenu par une main trop cordiale et causant avec un de ces amis que le hasard nous envoie toujours, dans certains moments, pour nous dégoûter de l’amitié. Une forme éblouissante a passé devant moi. Irène seule a cette grâce, cette légèreté de pas, cette souplesse d’ondulation. Entre mille je l’aurais reconnue. Sa toilette bourgeoise avait beau s’efforcer de viser au déguisement, une distinction exquise la trahissait. Et d’ailleurs, son regard s’était croisé avec le mien. Aussi, le doute ne m’était plus permis. La main de mon interlocuteur ne me rendit la liberté qu’après un violent effort de la mienne. Nous échangeâmes des adieux brusques. Je perdis quelques minutes précieuses. Irène marchait d’un pas de gazelle. La