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beau, que pour une seule figure d’albâtre allongée, m’inspirent une mélancolie pleine d’attendrissement. Il ne me vient, je vous le jure, aucune idée anacréontique de membre du Caveau et de faiseur de chansons sur des rimes en ette, herbette, fillette, coudrette. — L’amour des rimes riches m’a préservé de ce mauvais goût.

Un crucifix, traversé d’une branche de buis bénit, ouvre ses bras d’ivoire sur le chaste sommeil de Louise. Cette piété simple m’a fait plaisir. Je n’aime pas les bigotes, mais je déteste les athées.

Je restai là quelques minutes plongé dans une contemplation profonde. — En regardant ce lit, il me vint la pensée que Louise Guérin n’avait jamais été mariée, quoiqu’on le prétende ici. — Ce n’est pas là un lit veuf, c’est un lit virginal. Il a quelque chose de froid, d’austère, de rangé, qui sent encore le couvent ou la pension.

Je vous dirai même à ce sujet que je ne crois guère à feu Albert Guérin, non que j’aie rien saisi de louche de ce côté, mais la beauté de Louise, ses gestes, ses habitudes de corps, ne sont pas d’une femme. La femme même la plus pure a quelque chose d’onduleux, d’assoupli, d’une aisance plus enjouée, d’une fleur plus épanouie. — Le col de Louise est un col de madone avant la visite de Gabriel ; — elle a du velouté de fruit vert sur les joues ; ses mains, quoique bien faites et soignées, sont plus rosés que ses bras, ce qui est très-significatif ; il semblerait, comme on dit, que l’amour n’a pas encore passé par là.

J’ai fait quelques pas dans le jardin ; le soleil jetait sur les marches du perron l’ombre découpée du feuillage ; les iris alanguis repliaient leurs pétales, et les fleurs d’acacias, se détachant de leurs grappes, commençaient à joncher le sable. — À propos de fleurs d’acacia, savez-vous que, frites dans la pâte, elles font d’excellents beignets ? — J’ignore comment cela se fait, mais en me trouvant