Page:Girardet - Tunis station hivernale, 1891.pdf/26

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 29 —

Et ce nom de Champs-Élysées donné aux riantes constructions qui pareront le nord de la cité, qu’elles couronneront, comme une aigrette de diamants pare le front d’une reine, a-t-il été jeté là par hasard et fortuitement ? Est-ce une appellation quelconque ? N’est-ce pas plutôt un symbole ?

Les Champs-Élysées qu’ont vantés tous les poètes de toutes les latitudes, que toutes les littératures ont célébrés en prose et en vers, séjour enchanté des élus du paganisme, ont-ils jamais été dotés de merveilles plus séduisantes que n’en aura ce coin de terre privilégié et béni entre tous ?

Mais la comparaison paraîtrait ambitieuse. Ne nous y arrêtons point, quoi qu’il ne serait peut-être pas si difficile de montrer que la poésie est faite de rêves, et que, nulle part, le rêve ne pourra, plus librement qu’aux Champs-Élysées de Tunis, déployer sur ses fidèles ses voiles aux changeantes, infinies transparences.

L’étranger qui, de sa villa, se rendra dans le parc ombreux, avec sur sa tête le ciel bleu infini, à ses côtés les tiges arborescentes des solitudes mystérieuses, à ses pieds, le lac, la mer aux horizons sublimes, partout autour de lui les richesses combinées de deux civilisations différentes : les coupoles blanches des mosquées et les terrasses des villas, s’il ne veut pas nourrir sa rêverie du spectacle magnifique que présentent à sa vue la mer, la terre, le ciel, pourra aussi bien à son gré évoquer les souvenirs que l’ossuaire de Carthage est là pour lui rappeler : l’ombre des héros morts pour l’indépendance, les farouches haran-