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Rédemption.

En lui répétant ce qu’il avait appris, ne lui causerait-il pas une grande peine. Et pourquoi serait-il le premier, lui qui l’adorait, à faire pleurer cette ravissante jeune fille. Pourquoi lui ouvrirait-il la porte des misères de la vie, ferait-il saigner sous l’aiguillon de la douleur ce front si candide fait uniquement pour le bonheur ?

Non ! il ne parlera pas.

D’un autre côté Romaine, bretonne d’origine, était têtue. Elle avait dit : Je veux ! Son entêtement ne lui ayant pas réussi, elle eut recours à cette diplomatie, faite de subtilité, de câlinerie et de perspicacité, que toute femme apporte avec elle en naissant. Elle lui fit donc raconter toutes les injures qu’il avait entendues et qu’il voulait taire.

Lorsqu’elle apprit qu’on l’accusait de s’être laissé enjôler par cet étranger, elle éclata :

— Ah ! oui, vous voulez le savoir vous tous. Il y a assez longtemps que j’endure sans rien dire. Eh bien ! oui, c’est vrai, je l’aime, je l’aime, mais — la foudre retentit et un coup de vent forçant la porte mal fermée, s’engouffra dans la pièce et souffla la chandelle — il ne peut m’aimer, moi qui ne suis qu’une pauvre fille de pêcheur.

Elle fondit en larmes.

Réginald, transporté par une passion dans toute sa première sève, se jette aux genoux de Romaine. Couvrant ses mains de pleurs et de baisers, il lui crie son amour :

— Ah ! Romaine, Romaine, je t’aime !… je t’aime !… je t’aime ! Tu es ma divinité, ma vie, l’âme de mon âme. Le jour où je t’ai vue dans cette église, sainte nimbée d’or, tu m’as pris tout entier, tu m’as perdu. Ma Romaine je t’adore !

Romaine tremblait de même que la feuille secouée par le vent d’automne.

— Dites-moi encore que vous m’aimez, répondit-elle, qu’il est bien vrai que vous m’aimez.