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Rédemption.

D’aussi loin qu’il l’apercevait, il lui criait d’une voix joyeuse :

— Bonjour, bonsoir, mademoiselle Romaine.

Et Romaine de lui répondre :

— Il y a longtemps que je vous attendais, monsieur Olivier.

Il lui était même arrivé de hasarder :

— Je commençais à m’ennuyer.

Avant de se séparer, elle lui tendait sa main qu’il retenait un peu dans la sienne avec une légère étreinte.

Pas une fois, ils ne s’étaient dit qu’ils s’aimaient. Ils parlaient de choses et d’autres, et si la conversation devenait embarrassante, d’un commun accord, d’une entente tacite, ils changeaient de sujet.

Ce soir-là donc, la figure assombrie de son ami qui ne voulait pas se dérider remplit la jeune fille d’anxiété. Johnny Castilloux était allé tendre ses rets. Romaine était seule à la maison. Il n’était pas encore huit heures, mais le ciel se couvrait rapidement d’un voile épais qui noircissait à vue d’œil. On eût dit que, transportée pas le vent du nord-est qui commençait à souiller avec force, une gigantesque nuée de corbeaux se déployait dans l’immensité du ciel.

Tout à coup, un craquement formidable ébranla la maison ; de larges gouttes d’eau mouillèrent les vitres, puis ce fut l’orage qui se déchaîna inattendu, violent, chassant tout devant lui.

Et Johnny Castilloux qui n1’était pas encore rentré. Sans doute, il avait dû chercher un abri quelque part, chez un compagnon de pêche, pour attendre la fin de cette tempête que personne n’avait prévue. Romaine Castilloux était brave. La foudre ne lui faisait pas peur. Pourquoi donc tremblait-elle ? Était-elle inquiète ? Elle ne tenait pas en place.