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Rédemption.

— Ah ! mademoiselle, répondit-il, pour se faire décorer par vous de ces trois petites fleurs, il n’y a pas de sacrifice qu’un homme ne fût prêt à faire.

Comme il avait la tête penchée, les mains de Romaine, parfumées de l’arôme des pensées, étaient tout près de sa bouche. Il éprouva un désir violent d’y déposer ses lèvres brûlantes et sèches. Mais la raison fut plus forte et il se contint.

Il la dominait de toute la tête. Elle leva vers lui ses prunelles joyeuses, et dans un sourire elle dit.

— C’est fait, vous êtes libre.

— Déjà ! répondit-il spontanément, fâché après l’avoir dite de cette banalité.

Tous deux cheminaient à pas lents sur la route de l’église. Un enfant qu’ils rencontrèrent pieds nus, s’arrêta, examina curieusement le jeune homme, et porta gauchement la main à sa calotte. Puis lorsque le couple l’eut dépassé, il se retourna et longtemps le regarda aller.

Çà et là dans un champ ou sur le bord de la route, Réginald remarquait des maisons construites toutes pareilles, en bois, à un seul étage terminé en pignon. Disséminées ainsi dans la vastitude de la campagne, elles ressemblaient à des cabanes. Elles étaient ou blanches, ou jaunes, ou noires, ou rouges. Puis c’étaient sur une longue distance de petits champs de foin et de blé, ou des buissons d’osiers, de sapins et d’érables coupés d’étroits sentiers.

Sur un ponceau, un taureau attelé à une charrette attendait : deux femmes aux bras mâles emplissaient une tonne à l’eau d’un ruisseau.

Les promeneurs étaient arrivés à une route croisant celle de l’église. À leurs pieds, une longue côte se déroulait en un gigantesque ruban briqueté. Là-bas, là-bas, c’étaient des collines vertes en amphithéâtre, auxquelles étaient suspendues, de distance en distance, des maisons que l’on pre-