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Rédemption.

barge, moé, c’est l’avant-barge, et vous, et ben ! c’est le pocheur.

— C’est-à-dire, interpréta Romaine en riant aux éclats, que grand-père est le capitaine, l’oncle Jérôme le lieutenant, et vous l’aspirant.

Après que la jeune fille eût versé le thé :

— Eh ! la p’tite fille, dit Johnny Castilloux, tu as oublié la douceur dans l’armoire.

Romaine aussitôt mit sur la table le sucrier contenant un sucre brunâtre au grain très gros.

Réginald, malgré les émotions qui l’assaillaient, mangea de fort-bon appétit. Le vieux pêcheur et sa petite-fille en parurent flattés. Après le repas, le pêcheur dit :

— Serrez-moé l’grappin, le monsieu, à cause qu’à c’t’heure faut que je m’en vas. Mais quand tu seras parée, Romaine, va donc faire un bout avec le monsieu, si ça lui fait plaisir.

— Vous êtes bien bon, monsieur Castilloux, répondit le jeune homme.

Il eut voulu dire plus.

Enfin ! il allait être seul avec Romaine ! Il lui parlerait sans témoins. Il lui dirait… non, jamais il n’osera … Et quand même, il ne lui ferait pas cet aveu dont son âme était pleine, il l’admirerait, il marcherait à ses côtés au sein de cette nature enchanteresse, de ce pays incomparable.

— Faites-moi le plaisir d’accepter un cigare, dit-il au pêcheur.

Celui-ci accepta en faisant remarquer :

— J’voudrais pas vous en épuiser.

— Du tout, du tout. Tenez.

Rouvrant son porte-cigares en maroquin, il en vida le contenu dans les mains de son hôte qui faisait des façons pour accepter.

Et le vieillard, qui ne voyait aucun mal à laisser Réginald seul avec Romaine, parce que sa vie était droite et que, ne