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Rédemption.

— Jean-Baptiste Chatillon, le garçon à Philippe, qu’a habitué quinze ans à la Contrée.

Réginald salua et continua son chemin, réfléchissant à part lui qu’il était très difficile de savoir le nom de madame Jean-Baptiste Chatillon.

Lorsqu’il arriva près de la maisonnette blanche, il aperçut Romaine accoudée à la barrière, entre les deux cormiers faisant voûte. Elle semblait l’attendre. Comme la première fois qu’il l’avait vue, elle avait cette robe de mousseline blanche qui, de loin, sous le fauve éclat des cheveux d’or rouge, lui donnait une apparence de quelque antique prêtresse gauloise. Bien qu’il eût été séparé d’elle quelques heures seulement, il la retrouva encore plus belle.

Elle l’invita à entrer. Le grand-père l’attendait. Et cependant, le vieux pêcheur n’avait fait aucun frais dans sa toilette, ayant gardé son tricot de grosse laine brune et son pantalon rapiécé comme la voilure de sa barge. Au sortir de table, il lui fallait aller tendre ses rets pour la boëtte du lendemain.

Johnny Castilloux n’était pas riche, loin de là. Cela sautait aux yeux quand on franchissait le seuil de sa demeure. Pourtant, tout était propre et attrayant. Là, le bonhomme vivait seul avec sa petite-fille, sa femme étant morte il y avait huit ou neuf ans.

— Une brave femme que Marie Huard, disait-il souvent, mais que voulez-vous ? elle a pas vit, c’est le bon Dieu qui l’a voulu. Elle a démorti p’tit à p’tit comme une lampe qu’a pus d’huile. Que l’Seigneur ait sa pauv’ âme en son saint paradis !

La maisonnette, dont les abords étaient si avenants, grâce à Romaine, contenait trois pièces : la cuisine, qui servait en même temps de salle à manger et de salon appelé grand’chambre, la chambre à coucher du grand-père et celle de sa petite-fille. Ces pièces étaient séparées par de minces cloisons de planches brutes, tapissées de papier peint à bon