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Rédemption.

à la jeune fille. D’un autre côté, il se rappelait que, depuis son arrivée à Paspébiac, toutes les personnes qu’il avait rencontrées lui avaient montré la même déférence. Il en fit la réflexion à Romaine, qui répondit :

— N’en soyez pas surpris, monsieur Olivier. Ici, plus que partout ailleurs, les habitants ont conservé cette coutume si touchante dans sa simplicité de saluer les personnes qu’ils rencontrent sur la route. En saluant ainsi, même et surtout les étrangers, ils vous disent par cette salutation muette que nous sommes tous frères et que vous êtes le bienvenu chez eux. Les pêcheurs et les autres habitants de Paspébiac, si longtemps privés des bienfaits de la civilisation moderne, ont gardé l’écorce raboteuse des anciennes mœurs bretonnes et jersiaises. En revanche, ils ont conservé dans tout leur charme les vieilles lois et traditions de l’hospitalité. Ils y vont carrément, mais avec le cœur sur la main. Demandez-leur un service quelconque, ils seront heureux de vous le rendre. Cette politesse chez eux est même exagérée ; c’est pour cette raison peut-être que serviteurs et servantes veulent être appelés « monsieur » ou « madame » ou « mademoiselle » lorsqu’on leur adresse la parole.

On était arrivé vis-à-vis la pension de Réginald. Le grand-père d’abord, puis la petite-fille, qui n’avait osé parler la première, insistèrent auprès du jeune homme, l’invitant à aller prendre le repas du midi avec eux. D’avance, ils s’excusaient sur leur table modeste, mais ils ajoutaient que le cœur suppléerait au reste.

Réginald remercia, regrettant de ne pouvoir accepter leur bonne et gracieuse invitation. La pêche de la matinée, prétexta-t-il, l’avait mis dans un état tel qu’il avait besoin de changer de vêtements. On lui fit alors promettre qu’il se rendrait au souper.

Dans l’impatience qu’il avait de revoir Romaine le plus tôt possible, il ne se fit pas trop prier.