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Rédemption.


L’ENGRENAGE.


Midi. Le knock-off vient de sonner aux établissements des pêcheries sur le banc. Réginald traverse le grand pont rouge en compagnie de Romaine, du grand-père et de l’oncle Jérôme.

Les journaliers des maisons Robin et Le Bouthillier qui n’ont pas emporté leur lunch montent en toute hâte chez eux se mettre quelque chose sous la dent avant de reprendre leur travail.

Romaine, tout en marchant à pas lents pour prolonger l’entretien, donne à Réginald quelques informations sur l’industrie de la pêche à la morue dans la baie des Chaleurs.

La maison Robin, dans ses trente établissements des provinces de Québec, de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick, emploie cinq mille hommes. Celui de Paspébiac est le plus considérable. Il a ses menuisiers, ses charpentiers, ses tonneliers, ses forgerons-mécaniciens, sans compter, naturellement, les ouvriers employés à la préparation de la morue. Autrefois, la maison Robin possédait jusqu’à ses petits docks et ses chantiers pour la construction des barges et des goélettes de pêche.

Certains ont prétendu que, dans les années passées, aucun des employés n’avait la liberté de se marier. On n’a jamais défendu aux employés de prendre femme. Seulement, si l’un d’eux le faisait, il devait laisser sa femme dans l’île de Jersey, si elle était de ce pays, ou l’y conduire si elle était canadienne. En outre, on ne lui permettait d’aller la voir qu’à tous les dix-huit mois. C’était demi-mal quand la femme était une Jersiaise, mais les Canadiennes ne se sentaient pas aises d’aller vivre au milieu d’étrangers et de ne