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Rédemption.

Le quirandeau, attaché par une longue corde à la ligne de fond, fut jeté à la mer.

— Tous vos crocs sont parcs, mon oncle ? demanda Johnny Castilloux.

— Oué.

— Alors, jetons not’ traul.

Ils plongèrent leur ligne de fond, longue de six cents pieds, à une profondeur de quatre-vingt-dix pieds. Une fois la ligne tendue, ils carguèrent les voiles, enlevèrent les mâtereaux qu’ils couchèrent sur le pont, et finalement, ils jetèrent l’ancre.

— Si on cassait une croûte avant que d’pêcher à la main, observa Jérôme Roussv. Et pis avec ça que j’ai le go sec.

Il dénoua le mouchoir rouge et en sortit des beurrées larges et épaisses qu’il partagea avec Johnny Castilloux et Romaine.

— Le monsieu en veut-il ? demanda l’oncle Jérôme.

Réginald accepta.

Et comme le pêcheur allait déboucher le baril d’eau douce.

— Une minute, intervint le jeune homme. Il sortit de sa poche un flacon argent et cuir. Il en versa une copieuse rasade à l’oncle Jérôme.

— Tenez, dit-il, goûtez-moi ce rhum, et dites moi si ça ne vaut pas mieux que l’eau de votre baril ?

Le vieux pêcheur lampa le tout d’un trait comme ferait un malade d’une potion amère, puis il passa sa langue sur ses lèvres ratatinées, la première grimace ayant fait place à un sourire épanoui.

— En vous remerciant, le monsieu, dit-il.

C’est trop d’bonté, commenta Johnny Castilloux en acceptant à son tour le gobelet de rhum.

— Une gorgée comme ça, remarqua-t-il en rendant le gobelet, ça vaut en temps de fret deux bons frocs l’un par dessus