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Rédemption.

modeste que bon, qui lit et travaille une partie de la nuit, et le matin, est toujours levé avec le soleil pour sa messe. Lorsque toutes les lampes sont éteintes dans les maisons, on voit chaque nuit, comme un phare dans les ténèbres, briller une lumière dans la fenêtre du cabinet de travail du curé. C’est lui qui l’a tenue sur les fonts baptismaux, lui qui a payé pour lui faire donner une éducation et une instruction au dessus de sa condition, dans un couvent de Québec. Il lui a même, s’étant imposé des privations jusque sur le nécessaire, fait apprendre la musique. Et voilà comment aujourd’hui, elle se trouve à rehausser l’humble culte de Paspébiac. Le bon Dieu avait bien voulu lui donner des aptitudes pour la musique.

— Faut l’entendre dans la chaise de vérité, monsieu le curé, interrompit Johnny Castilloux, i a une si belle accent dans sa oué !

Jérôme Roussy, qui avait écouté sans interruption, tourna la tête vers la jeune fille, et dit en clignant de l’œil :

— T’as toujours pas rapporté au monsieu qu’t’as manqué d’entrer en ménage.

Et le vieux, qui croyait avoir fait un bon coup, partit d’un franc éclat de rire.

Romaine, qui ne s’attendait pas à cette indiscrétion, rougit, puis, après avoir hésité, raconta comment cela s’était fait.

Un cousin à elle, pêcheur comme son père et son grand-père, Jean Maldemay, l’avait déjà demandée en mariage — Réginald attendit la fin avec anxiété mais quoique ce fût un brave gardon et un rude travailleur, capable de faire vivre aisément une femme, elle ne l’aimait pas assez.

Réginald eut une grande joie. Il eût voulu sauter au cou de Romaine et l’embrasser pour cette parole qui le rendait si heureux. Et avec cette curiosité impatiente, indiscrète, jalouse, mauvaise de ceux qui aiment et ne savent pas s’ils