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Rédemption.

Jamais Réginald n’avait été aussi remué.

Son âme chantait, pleurait, délirait. Il avait là, à côté de lui, la jeune fille la plus radieusement belle qu’il eût jamais rencontrée. Déjà, il l’adorait en son cœur comme une divinité.

Dans le ciel, qui à cette heure n’était ni azuré ni gris, la dernière poussière d’argent de la nuit venait d’être balayée dans l’espace, et le croissant si pur de la lune avait disparu.

À l’Orient, un nuage de grisaille, couronné d’une auréole empourprée, venait de crever et, par l’orifice béant, s’échappaient des flots de lumière d’or embrasant la nature qui s’éveillait.

La grande baie charriait sur la grève des vagues de diamants.

Les parois de la falaise à l’ouest se changeaient en murailles de grenats, et les collines, qui descendaient se baigner dans la mer à l’est, brillaient sous les feux étincelants du soleil comme une émeraude gigantesque. À l’horizon, c’était une bataille des plus riches couleurs, le rose foncé alternant avec le jaune orangé, puis s’estompant l’un dans l’autre pour se fondre enfin, étrange alliage, à mesure que le soleil montait, en un bleu d’un coloris et d’une limpidité au-dessus de toute description. Dans un paresseux balancement, les barges s’éloignaient de la grève en suivant le caprice de la vague, et en laissant après elle un sillon aussitôt effacé. Bientôt, les voiles blanches et brunes, de loin plus blanches et plus cuivrées que les seins des vierges de l’Occident et de l’Orient, semblaient courir seules sur la mer, les carènes invisibles à cette distance sous le flamboiement du soleil levant.

Rien, cependant, dans tout ce décor grandiose de la nature, n’émut autant le jeune homme que la vue de la petite fille du pêcheur.

Elles sont nombreuses les beautés de commande, dont le teint terreux, masqué de poudre et de fard, redoute la lu-