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Rédemption.

Ah ! oui, il se rappelait maintenant la voix qui l’avait réveillé en sursaut. Elle seule avait dû parler avec cette musique ravissante en passant sous sa fenêtre. Mais qui était elle enfin ? Comment se trouvait elle à cette heure, sur cette grève ?

À quelques pas de la jeune fille, il vit un homme qu’il ne reconnut pas au premier abord. Il se décida à avancer, mais plus il approchait, plus il ralentissait son pas. L’homme et la jeune fille avaient toujours le dos tourné au rivage. Réginald n’était plus qu’à trois pas de la barquerolle. La jeune fille se retourna et poussa un léger cri, de surprise, d’effroi ou de joie, il n’eût pu dire. Néanmoins, s’il eût fait jour, il l’eût vue rougir pendant qu’une flamme rapide s’allumait dans ses yeux.

Eu entendant le cri de la jeune fille, l’homme s’était retourné. Réginald reconnut Johnny Castilloux.

— Bonjour, le monsieu, dit ce dernier en portant la main à son vieux feutre mou.

Le monsieu serra sa grosse main calleuse

— J’pensais pas qu’vous seriez venu, à cause qu’les monsieus de la ville, ça s’lève tard.

— Pas tous.

— Vous allez avoir de la compagnie : ma p’tite fille, Romaine, la fille à mon garçon qu’était le chaculot d’la famille, et qu’a pas eu d’chance l’pauv’gars.

Réginald salua. La jeune fille lui tendit sa main qu’il serra presque trop tendrement.

— Mais vous m’avez toujours pas encore dit vot’ nom ? demanda le vieux pêcheur.

— Réginald Olivier. Je demeure à Montréal.

— Vous m’avez tout l’air d’une jeunesse ?

— Vous dites ?

— Grand-père demande si vous êtes marié, interpréta la jeune fille. Ici, on est une jeunesse tant qu’on n’est pas marié.