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Rédemption.


ÉTOILE DU MATIN.


Réveillé en sursaut par une voix fraîche comme la brise saline, il alluma une lampe à pétrole et regarda ! à sa montre. Il était trois heures et demie. De peur d’arriver trop tard, il se vêtit en un tour de main d’un tricot de laine blanche et d’un pantalon de même couleur. Il descendit sur la route, accompagné par les aboiements du chien de la maison, que cette heure du lever inaccoutumée des gens de la pension, intriguait.

Il faisait encore nuit, et cependant l’aube n’allait pas tarder à paraître. On n’entendait que le grondement en sourdine des vagues qui se cassaient sur la grève, et le croassement de quelque troupeau de corneilles. Dans le ciel, la lune et les étoiles commençaient à pâlir. Il faisait froid. Pour se réchauffer, Réginald marcha plus vite, heureux, leste et fort, avec un pressentiment inconscient de bonheur. Il buvait à pleins poumons cette fraîcheur humide et vivifiante de fin de nuit. S’il allait manquer ses pêcheurs. C’était leur gagne-pain, à eux, cette pêche à la morue, et il ne pouvait raisonnablement pas espérer qu’ils retarderaient le départ pour lui. Il se mit à courir.

Afin de raccourcir la distance qui le séparait du banc, il franchit la porte cochère du domaine de la compagnie Robin où bouleaux, osiers, cèdres, épinettes, pins et érables dormaient, tous confondus dans la nuit en un silence druidique.

Il déboucha sur le pont qu’il traversa en courant, puis il ralentit le pas. C’était la première fois qu’il voyait le barachois à marée haute. Tous ces îlots et presqu’îles capricieusement verts, qu’à son arrivée il avait comparés à une miniature de Hollande à demi submergée, avaient maintenant