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Rédemption.

Il s’était dit : Je vais lui faire plaisir en lui apprenant que je suis ici pour quelques jours, car les maîtresses d’auberge, d’ordinaire, considèrent comme une bonne aubaine un voyageur qui s’arrête à leur maison pour un certain temps.

Quel ne fut pas son ébahissement quand il entendit.

— Ah bien ! vous ne nous convenez pas, nous ne donnons qu’un repas de temps a autre.

— Merci, madame.

Ça va bien, pensa t-il. en reprenant sa valise. Seulement, je commence à en avoir assez de cette course aux auberges. Si je ne m’arrange pas, chez madame Rinfret, j’ai bien peur d’être obligé d’aller dormir avec mes malles sur le quai. C’est malheureux que le steamer soit reparti. Décidément, je serais plus confortablement a bord qu’à traîner cette valise avec moi dans cette course bête.

Mais, chez madame Rinfret, on accueillit à bras ouverts le nouveau venu, tel un ange tombé du ciel.

Il ne devait pas tarder à apprendre le motif de cette réception enthousiaste. Cette auberge avait le même effet sur les voyageurs, rares du reste à Paspébiac, qu’un mannequin dans un champ de blé.

Au souper, la même chose d’ailleurs devant se répéter à chaque repas, il eut à défendre sa maigre pitance contre un régiment de mouches sales, hideuses, intolérables, qui s’empiffraient. De guerre lasse, il leur abandonna le champ de bataille et se barricada dans sa chambre.

Et quel chambre ! Là encore, il ne put que se plaindre de son sort. De la mer, il n’en voyait que la largeur de la main. Par contre il avait une vue splendide des granges, de l’écurie, de la basse-cour avec toutes leurs attractions toutes aussi séduisantes les unes que les autres.

Avec des trous comme celui-ci, se dit-il, on ne resterait pas huit jours dans un paradis terrestre. Je continuerai mon voyage à Gaspé à bord du prochain vaisseau.