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Rédemption.

— Attends-moi une minute, dit Réginald, au cas où cette maison ne me conviendrait pas.

Il frappa. Une grosse matrone, les poings sur les hanches, vint répondre.

À sa question, la femme répliqua ;

— Oui, j’ai une chambre vacante, mais je vous préviens que nous servons les repas à sept heures précises, le matin, à midi sonnant, et à six heures juste, le soir. Passé ces heures, pas de repas. Et le soir, si vous n’êtes pas rentré à neuf heures, la porte est fermée. Quant au prix…

— Merci, madame, interrompit le voyageur, je ne me sens pas de goût pour le couvent. Vos conditions ne sauraient me convenir.

Il salua et sortit. Drôle de femme, pensa-t-il ; du moins en voilà une qui avertit son monde.

— N’y a-t-il pas une autre pension ? demanda-t-il, en rejoignant son cicerone à la culotte trouée.

— Y a ben encore monsieu Grosbois et madame Rinfret. J’peux ben vous y mener.

— Va pour monsieur Grosbois. Je serai peut-être plus heureux de ce côté.

Le guide s’arrêta à cinq ou six arpents plus loin.

— C’t’icite chez monsieu Grosbois. J’men vas vous attendre en cas qu’ça ferait p’t’ben pas.

Une petite femme précieuse, rappelant, pas son accoutrement et ses airs maniérés, ces antiques estampes que l’on trouve parfois dans les auberges de campagne, demanda en ouvrant la porte :

— Monsieur désire ?

— Le souper et le gîte.

— Monsieur est à Paspébiac pour quelques jours ; monsieur est commis voyageur peut-être ; monsieur…

— Je resterai à Paspébiac quelques jours au moins, répondit Réginald, pour couper court à la litanie d’indiscrétions de la jeune femme.