et plus — à qui on pardonne bien des écarts de langage. Si une femme, jeune, belle, ardente, vous avouait son amour, vous montreriez-vous insensible à cet aveu ?
— L’homme, répondit Réginald, en réprimant un frisson sous l’éclat passionné des deux prunelles qui le fouillaient jusqu’au fond de l’âme, ne doit pas être tenté au-dessus de ses forces. Lorsqu’il prévoit le danger imminent, il n’est pas lâche mais sage et courageux pour lui de fuir avant qu’il soit trop tard.
Claire avait mangé la glace et les macarons. Réginald, en prenant l’assiette en verre taillé pour la reporter au buffet, sentit une main brûlante serrer la sienne, tandis que les deux mêmes prunelles, allumées par le désir et l’amour, ne le quittaient pas.
Avec effort, fasciné à demi, il détourna la tête, et, se levant, se dirigea vers le buffet.
Un vieux monsieur chauve s’était approché de mademoiselle Dumont.
Alors Réginald s’assit sur la première marche de l’escalier conduisant au salon, et, de loin, admira la jeune fille.
Celle-ci l’avait dit : elle n’était déjà plus jeune, trente-et-un ans. Et cependant, on ne lui en eût donné que vingt-trois ou vingt-quatre. Du reste, comme dit Balzac, en fait et en principe il n’y a rien de plus sot au monde qu’un acte de naissance ; bien des femmes de quarante ans sont plus jeunes que certaines femmes de vingt ans, et en définitive les femmes n’ont réellement que l’âge qu’elles paraissent avoir.
Petite, les cheveux noirs comme des ailes de corbeau, le nez court et droit, la bouche comme un accent circonflexe sur un verbe d’amour, les yeux d’un velours de terre brûlée, Claire laissait, à première vue, une impression de faiblesse et de douceur d’enfant affectueuse. Mais lorsque la passion contenue brûlait dans ses yeux, dilatait ses narines, entrouvrait sa bouche, alors, de tout cet être fluet