Page:Girard - Rédemption, 1906.djvu/180

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
178
Rédemption.

à Réginald. Celui-ci les pressa et les retint dans les siennes avec une affection sincère.

D’un seul regard et sans avoir prononcé une parole, ces deux hommes s’étaient compris. Tous deux avaient aimé, mais différemment, la même jeune fille : l’un avec le chaste dévouement d’un père, l’autre avec la fougue d’un amant. De se revoir après cette longue absence, ils en éprouvaient une grande joie, comme si l’ombre de la morte surgissant entre eux prenait vie.

Le curé de Paspébiac était surtout remarquable par l’air de mansuétude attirante et le sourire bon qui accompagnait si souvent ses paroles. Il était réellement le bon Pasteur qui ouvre les bras, absout et oublie et non le juge inexorable qui repousse, condamne et n’oublie pas.

À la tête d’une paroisse pauvre, il se souciait peu de son dénuement personnel, se rappelant que le Christ n’avait pas de quoi où reposer sa tête, et que ses disciples ne savaient où ils coucheraient le soir, ni s’ils mangeraient le lendemain.

Il n’avait qu’une soutane ; elle était râpée et brûlée par le soleil. Les manches de la chemise de laine grise débordaient. À sa ceinture pendait une chaînette en acier.

Comme un vin riche dans une bouteille poussiéreuse, plusieurs volumes étaient constamment enfouis dans cette soutane et en faisaient une bibliothèque roulante.

Le vieillard fit entrer Réginald dans son cabinet de travail. Rien n’avait été changé dans cette chambre que Réginald connaissait bien. Le bon vieux était toujours enseveli sous une montagne de journaux, livres, paperasses. Sa bibliothèque dont il n’y avait pas un livre qu’il n’eût lu et relu, était toujours là, en face de sa table de travail. Tout près, le sofa en tapisserie ; dans un coin, à gauche de la porte, le grand fauteuil en cretonne où s’asseyaient les visiteurs.

— D’abord, commençons par le commencement, dit l’abbé