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Rédemption.

piédestal de sa vertu pour s’ériger une statue et du haut de ce piédestal crier à tous : « Contemplez-moi, je suis une honnête femme. »

— Mais, reprit madame Dussault, en affectant un air scandalisé, comment se fait-il que vous, que l’on tient pour un homme aux mœurs austères, vous ayez des idées aussi…

— Madame, permettez-moi de vous rappeler que je n’ai aucune estime pour la vertu facile, et que la religion du Christ est une religion d’amour et de charité.

Depuis le commencement de cette conversation, mademoiselle Claire Dumont n’avait dit mot. Ses paupières, de temps en temps, battaient plus vite et une rougeur ardente montait à ses joues.

— Avec votre discussion sur la femme, intervint-elle à brûle-pourpoint, vous n’en finirez pas. Les trompettes du jugement dernier retentiront que l’on discutera encore le pour et le contre de la femme. Je me sens, moi, l’estomac descendu dans les souliers.

Voulez-vous m’accompagner au buffet, monsieur Olivier ?

Et avant même que ce dernier eût répondu, Claire Dumont passa son bras sous le sien, terminant cette conversation à son avantage.

— N’est-ce pas honteux de faire ainsi la chasse aux garçons, dit amèrement madame Dussault, portant sa face à main à la hauteur de ses yeux.

Des malins prétendaient que madame Dussault avait une vue excellente, mais que cette face à main lui donnait un air très comme il faut.

— Honteux, maman, c’est révoltant.

— Vous désirez, mademoiselle ? demanda Réginald Olivier se penchant vers Claire.

— Une glace et quelques macarons, répondit-elle.

— Pour une jeune fille dont l’estomac est descendu dans les souliers, vous n’êtes pas très gourmande, dit Réginald en souriant.