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Rédemption.

À cette pensée du cimetière, Réginald Olivier hâta le pas. Il allait sur la grande route de Paspébiac, marchant dans la boue et le crottin détrempé.

Les gens qui le reconnaissaient, étonnés de le voir revenir à Paspébiac, à cette époque de l’année, le saluaient, puis se retournaient plusieurs fois.

Arrivé à quelques pieds du cimetière, où il allait s’agenouiller sur ce qui restait de la beauté de Romaine Castillonx, il s’arrêta. Tout près de la clôture, un homme creusait une fosse.

Quelque désir qu’il eût d’aller prier sur la tombe de Romaine, la crainte de porter ombrage à sa mémoire l’en détourna.

Que dirait-on, en effet, si l’on apprenait que lui, un étranger, allait prier sur la tombe de la petite-fille de Johnny Castilloux. Pour nous ramener sur les restes de quelqu’un, il faut que des liens étroits nous aient rattachés à lui durant la vie. Et quelles relations pouvait-il y avoir eu entre Romaine Castilloux et lui ? Il est vrai qu’on les avait vus souvent ensemble ; il est encore vrai que de mauvaises langues avaient insinué ceci et cela, mais en somme, ces quelques commérages n’avaient pas été pris au sérieux. Et lorsque Romaine était descendue dans la tombe, tous l’avaient pleurée comme une bonne et vertueuse enfant.

Alors que dirait-on, si on le voyait verser des larmes sur la dépouille de Romaine ? Pleurer, oui, il en était sûr. Il ne pourrait certainement pas revoir cette inscription cruel le : « Ci-gît Romaine Castilloux » sans se trahir. Mieux valait donc 11e pas y aller maintenant, et même ne jamais y retourner.

Le fossoyeur, relevant la tête, épongea son front avec sa manche de laine grise.

— Bonjour le monsieu, dit il en portant la main à son chapeau.