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Rédemption.


CLAIRE REFUSE D’ÉPOUSER RÉGINALD.


Quoiqu’il fût très tard, Réginald qui n’avait pas sommeil, s’adossa sur un divan contre une pile de coussins et alluma un cigare.

Suivant d’un œil distrait la fumée onduleuse, il pensa à tout ce qui lui était arrivé depuis un an.

Il n’avait eu qu’un amour dans sa vie, mais cet amour était plus fort que la mort, puisque Romaine morte, il l’aimait encore avec autant d’ardeur, autant de passion que lorsque lui jetant ses deux bras autour du cou, son front, ceint d’un diadème d’or rouge, légèrement rejeté en arrière, elle lui avait dit : Je t’adore ! Même il l’aimait encore davantage, avec tout le désespoir maintenant et toute la douleur de ne la revoir jamais.

Si donc, aujourd’hui, il était si dévoué pour Claire, si dévoué que le monde méprenait ce dévouement pour de l’amour, c’était pour la rédemption de cette jeune fille, en mémoire de celle qui reposait là-bas, sous une humble croix de bois noir, dans cette terre battue par les flots.

Cependant, ce sacrifice qu’il faisait pour Claire ne devait pas être-égoïste : si, en mémoire de Romaine, il cherchait à rendre son âme digne de l’estime d’un Dieu, il devait aussi tenter de relever aux yeux d’un monde qui ne pardonne pas la femme tombée.

Comment parviendrait-il, lui, à mâter l’opinion publique montée contre une pauvre fille succombant dans un moment d’oubli, en raison même de sa faiblesse, à l’amour ou à la nécessité ?