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Rédemption.

n’êtes qu’un hypocrite, qu’un pharisien. Avant moi, ça été une autre, et avant celle-là une autre encore, et après moi, une autre prendra ma place, et ainsi de suite jusqu’à ce que vous claquiez. Ah ! oui, on vous connaît vous et tous ceux de votre espèce ! Vous vous servez des choses les plus saintes comme de tremplin pour arriver à la considération publique et aux honneurs.

Qu’il est grand le nombre de ceux que vous noircissez de votre encre et de votre bave, et qui dans la franchise de leurs convictions, valent cent fois mieux que vous, vil vendeur du temple, simonite débauché !

Ah ! tenez ! voulez-vous le savoir une fois pour toutes, J’en ai assez de cette vie là.

C’est cela, je pèche par vous, et plus je m’avilis, plus je descends dans la honte et le mépris, plus vous montez, vous, dans l’estime et l’admiration des honnêtes gens trompés par votre petit air sainte nitouche !

Le rédacteur du « Labarum » avait blêmi sous cette cravachée, qui striait sa face gonflée en ballon.

Il s’était levé.

— Pour une fille descendue si bas, une fille entretenue, bégaya-t-il, je trouve que tu le prends avec moi de pas mal haut.

— Allez-vous en, s’écria-t-elle, allez vous en. Elle voulut parler encore mais les mots se bloquèrent dans sa gorge.

— Tout doux, ma belle, mais on ne chasse pas un homme de chez lui. Vous oubliez que je suis ici chez moi !

À ces paroles, la malheureuse fondit en larmes, et se rappelant sa condition qu’elle avait oubliée dans la fièvre du dégoût et de l’indignation, elle se laissa tomber sur un canapé.

Alors, M. Larivière, qui était, sans qu’il pût s’en défaire, quoiqu’elle lui dît, pris par les attraits de cette fille, se glissa à ses genoux. Fouillant dans son répertoire, il lui murmura les paroles les plus tendres, les accents les plus émus.