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Rédemption.

À ce moment, le piéton de Paspébiac, petit homme sec, aux cheveux bouclés d’un blanc jaune, à la démarche rapide, aux mouvements saccadés comme ceux d’une marionnette, arrivait à la pension.

Deux minutes après, Madame Rinfret frappait à la porte de Réginald, ses doigts retentissant sur le panneau avec un bruit de castagnettes.

De sa voix criarde, elle dit :

— Monsieur Olivier, une écriture pour vous.

Une lettre pour lui, qui donc pouvait lui écrire ?

Il lut :

Montréal, 16 septembre 1892.
Mon cher Olivier,
Cette lettre te parviendra-t-elle, je l’ignore ? Tes amis ici savent que tu as fait un séjour prolongé à Paspébiac. C’est Alfred Dubuc qui nous a renseignés ! Il se rendait au bassin de Gaspé, lorsque l’ « Admiral » ayant accosté à Paspébiac, il lia conversation sur le quai, avec un jeune homme, M. Gibault, l’un des commis de la Compagnie Robin. Il se rappelle fort bien son nom, car c’est grâce à son affabilité, si nous savons où tu t’es sauvé. Oui, mon cher, tu as levé le pied sans tambour ni trompette, pardonne-moi l’expression.

Pourquoi, nous ne le savons pas ?

Dubuc a appris de plus qu’on te voyait souvent là-bas avec une pauvre fille, une fille de pêcheur à la morue, très belle, à ce qu’il paraît, mais qui n’en reste pas moins une fille de pêcheur.

Tu défraies ici bien des conversations.

On se demande pourquoi tu es parti si précipitamment, ce que tu fais dans ce pays sauvage, et comment tu as pu toi, l’intègre, l’invulnérable, le puritain, t’énamourer d’une jeune fille. Mais diable ! il est temps qu’elle prenne fin ton idylle. Je ne désapprouve pas qu’on s’arrête en passant à