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Rédemption.

Le gendre du sacristain rapportait à mi-voix que l’an passé Samuel Chapadeau, qui avant de mourir, avait fait l’acquisition d’un imperméable et de bottes en caoutchouc, avait demandé à être enseveli dans cet accoutrement. Et on s’était rendu à son désir.

Cette-là, continua-t-il, ressemble ben à c’t’e pauv’ défunte Sarah Maldemay, qui restait pas ben loin du presvytère. C’était justalament la cousine à Jean Maldemay qu’avait demandé en mariage la petite-fille à Johnny Castilloux. C’était une honnête fille que Sarah qui a toujours fait ses devoirs, mais elle était pas mal borniée. C’est pas comme son cousin Jean qui est pas bête un peu rare. C’est ça qu’aurait fait un bon homme à Romaine Castilloux. Mais entre nous elle était un peu demoiselle.

Pour en revenir à mon histoire donc, Sarah Maldemay qu’avait un chapeau et des gants tout flambant neuves, s’est fait enterrer avec son chapeau sur la tête et ses gants dans ses mains.

Les fossoyeurs, une pelle à la main, attendaient, si accoutumés à leur métier, que l’enterrement d’une jeune fille belle et infortunée ne les impressionnait pas plus que l’enfouissement d’un cadavre quelconque.

Et tout autour de lui, dans ce cimetière dominant la mer, il ne vit que des croix de bois noir poussant de terre comme des fleurs funèbres. À celle-ci manquait un bras, à celle-là les deux, de sorte qu’on n’apercevait plus qu’un bâton pourri auquel le vent secouait une guénille qui avait été le voile blanc.

Çà et là quelques tombeaux en bois, les plus hauts atteignant trois pieds, et contenant dans de petites cases vitrées des images, des statuettes, des portraits de défunts, et d’autres objets de dévotion religieuse ou de souvenirs de famille.

Tantôt, parmi la foison de verges d’or qui croissaient dans