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Rédemption.

Les deux pêcheurs descendirent sur le banc à toutes jambes.

La tempête faisait rage. Si noir était le ciel qu’on eût dit la nuit venue.

Tous deux sautèrent dans un doris et s’éloignèrent du rivage à grands coups de rames.

La nouvelle, cependant, s’était promptement répandue dans Paspébiac que Romaine Castilloux avait été surprise sur la mer par la tourmente. Réginald avait été l’un des premiers à l’apprendre. Il s’était élancé avec affolement sur la route.

Arrivé sur la grève, il cherche une embarcation quelconque, mais toutes sont ou cadenassées ou sans rames. Enfin, il découvre un vieux doris vermoulu faisant eau de toutes parts et une paire de rames rongées. Il n’hésite pas. Il gagne le large aussi vite qu’il peut avec cette mauvaise embarcation.

Les pêcheurs, au fur et à mesure qu’ils apprenaient la nouvelle, descendaient sur le banc pour aller, eux aussi, à la recherche de la petite-fille de Johnny Castilloux.

Une embellie s’était faite. Le grain était tombé, mais il pleuvait à torrents. Le jour baissait rapidement. Sur la mer, là-bas, on ne distinguait plus que des formes confuses. Hommes, femmes, enfants, attroupés sur le quai et sur le rivage, indifférents à l’averse, suivaient avec anxiété les mouvements des sauveteurs.

La nuit était descendue sur la baie. La giboulée avait cessé. Mal éclairés par la lune souvent voilée par les nuages, les pêcheurs rentraient les uns après les autres sans avoir trouvé ni Romaine ni son doris. Un grand malheur, on commençait à l’appréhender, venait de s’abattre sur eux. Car c’était aussi un peu leur enfant à eux dont ils craignaient la perte, ces pêcheurs. Exposés tous les jours, aux mêmes dangers, aux mêmes traîtrises de la mer qui les fai-