Page:Girard - Rédemption, 1906.djvu/120

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
118
Rédemption.

Jean Maldemay, inspectant du regard le ciel et l’horizon, observa :

— Faut pas s’y fier, la demoiselle. Si j’étais que d’vous, j’quitterais pas le plain. La mer commence à moutonner, voyez-vous ben. Y a fait du vent de large c’t’e nuit, du suroît. On pourrait ben avoir un incendie d’eau avec du vent. Vous avez besoin, allez, de faire ben attention.

— Je vous remercie de vos conseils, mais je n’irai pas loin.

Voulez-vous m’aider ? ajouta-t-elle, en poussant le doris.

Le pêcheur branla la tête devant l’obstination de la jeune fille, et mit l’embarcation à la mer.

Il la regarda s’éloigner et remonta la côte.

— J’me demande, réfléchit-il, si Johnny Castilloux sait que sa petite-fille s’est embarquée. Pour le certain qu’a devrait scoder devant le temps. Faut qu’j’aille trouver Johnny. J’sais pas, mais ça m’tracasse, moé, c’t’affaire-là.

Le pêcheur ne s’était pas trompé.

De gros nuages se formaient, s’amoncelaient là-bas. L’atmosphère fraîchit. Derrière l’entassement des nuées qui allait toujours en grossissant et en s’assombrissant, le soleil se cacha. Au sommet du grand mât de la Compagnie Robin montèrent les boules et les triangles noirs. À ce signal de tempête, les barges qui étaient encore au large, revinrent en toute hâte vers le rivage.

Tout-à-coup une saute formidable bouleversa les airs et les flots. La pluie commença à tomber.

Johnny Castilloux allait rentrer chez lui lorsqu’un voisin lui dit qu’il avait rencontré Romaine, nu-tête, tournant la route de l’Église. Le vieux croyant sa petite-fille chez sa cousine Véronique Aspirot, se rendit chez lui à pas pressés, prit un parapluie et une collerette, et ressortit aussitôt.

Chez Véronique Aspirot, sa nièce, il fut bien surpris d’apprendre qu’on avait vu Romaine se dirigeant vers le pont.