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MOSAÏQUE

— Je ne puis pas, gémit-il, je ne puis pas aller plus loin !

Faisant un effort, il s’écria en versant un torrent de larmes :

— Non, ce n’est pas ici que je veux mourir. C’est en cet endroit que je la vis pour la dernière fois, et mon tombeau, ici, serait trop triste, oh oui ! bien trop triste…

Le piéton fit encore quelques arpents et s’affaissa sur la neige, exténué de fatigue et de douleur.

— Enfin, dit-il, mon pèlerinage est fini et je serai bien, ici, pour mourir. Ce tombeau tout blanc, sera au moins un soulagement à la longue série de mes infortunes.

C’est ici que je baisai, pour la première et dernière fois, ses lèvres, plus pures que cette neige, qui va me servir de linceul. Depuis cinq ans que dure mon exil, mes travaux, mes souffrances, mes tourments, tout a été rempli de son souvenir.

Son serment était pour moi le baume vivifiant et salutaire versé sur mes cuisantes blessures ; le phare qui m’éclairait dans la nuit de ma solitude.

Et ces cheveux, qui recouvrent aujourd’hui ma tête, ne sont-ils pas le muet témoin de mon long martyre et de la foi que je lui ai gardée intacte.

Mais elle est morte, aujourd’hui, morte, ou elle appartient peut-être à un autre, sort plus affreux pour moi.