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LA JOLIE FILLE DE GRANDPRÉ

Tous en étaient persuadés, eux seuls ne s’étaient pas encore posé cette interrogation. La belle Fidélia baissa la tête et rougit.

Réné, lui, releva timidement le front, et dit :

— Mon père, vous nous demandez si nous nous aimons ? Eh bien ! mon père, j’ignore si c’est de l’amour que j’ai pour Fidélia, mais mon cœur me crie que si je la perdais, je ne survivrais pas à ma douleur et qu’un seul tombeau nous servirait à tous deux ; quand je ne la vois pas, je sens qu’il me manque quelque chose ; je me dis souvent que si mon amie venait à ne pas être aussi bonne et aussi pure qu’elle l’est aujourd’hui, je pleurerais toutes les larmes de mon cœur ; que si elle était exposée à quelque danger, mon plus grand bonheur serait de donner ma vie pour elle, pourvu qu’elle fût heureuse.

Est-ce de l’amour, ça, mon père ?

Le visage du jeune homme s’était enflammé, ses yeux brillaient d’enthousiasme, sa poitrine oppressée se soulevait, ses mains se tendaient en un geste suppliant vers le prêtre qui répondit, visiblement ému :

— Et toi, Fidélia, que dis-tu ?

— Mon père, fit-elle, voulez-vous, d’abord, me faire la faveur de répondre à la demande de mon ami ?

— Et pourquoi, mon enfant ?

— Parce que… mon père… parce que je ressens, en moi, la même chose.

À ces mots, le saint prêtre levant les yeux au ciel, sent des larmes de bonheur couler sur ses joues ridées