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MOSAÏQUE
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Ils s’aimaient.

Se l’étaient-ils jamais dit ? Avaient-ils même jamais songé à se le demander ? Non, cela leur semblait si naturel à eux de s’aimer que tout le village parlait déjà de mariage qu’eux-mêmes ne s’étaient pas encore avoués leur amour.

Un soir, le laboureur, la fourche et le râteau sur l’épaule, revenait de son champ en disparaissant à demi dans le foin ondoyant et le blé jaunissant ; de moutonneux et blancs troupeaux, des poulains hennissants, fiers et orgueilleux de n’être pas encore passés sous le joug, des bœufs au pied tardif et à l’œil larmoyant, se repaissaient de gras pâturages ou descendaient jusqu’à la rivière pour aller s’abreuver devant les maisons en noyer ou en chêne, couvertes d’un chaume protecteur ; les femmes du hameau étaient assises sur le seuil de la porte ou sur des bancs rustiques, mêlant l’écho de leurs chansons au ronron régulier et monotone de leurs rouets, les marmots pendus à leurs jupes.

La petite cloche du vieux clocher venait d’annoncer aux pieux villageois l’hymne toujours nouvelle de l’Angélus. Devant l’une des chaumières, on vit arriver le curé, vénérable prêtre vieilli par les travaux et les ans. Aussitôt les rouets cessèrent de ronronner, les femmes se levèrent et les enfants, accourant de toutes parts, se formèrent en cercle autour du saint vieillard.