Page:Girard - Mosaïque, 1902.djvu/35

Cette page a été validée par deux contributeurs.
37
LA JOLIE FILLE DE GRANDPRÉ

Revenant de la cérémonie en se tenant par la main, ils s’entretenaient de leur bonheur avec une ingénuité et une candeur qui eussent dérouté les problèmes de grands philosophes. Mais les jours, les mois, les ans passèrent.

Leurs enfances se transformèrent ; elle devint jeune fille, il devint homme.

Ils ne construisirent plus de maisons sur la grève, n’ayant pour tous matériaux que de l’eau et du sable. Les édifices ne s’écroulèrent plus sans bruit et au milieu de leurs frais éclats de rire ; ils ne balancèrent plus sur la grande planche rustique posée en travers de l’énorme billot, ils ne jouèrent plus au cache-cache ou au collin-maillard, parmi les meules de foin fraîchement coupé, hautes comme des monticules.

Non, mais ensemble ils se promenèrent le long du chemin poudreux, bordé de chaque côté, d’interminables clôtures aux pieux fichés en terre comme s’ils étaient tombés du ciel n’importe comment. Ensemble ils se grisèrent du firmament, des moissons, du soleil, des grands arbres, de la verdure, de tout ce qui vit à la campagne, de tout ce qui est beau, de tout ce qui est grand, de tout ce qui parle de Dieu. Ensemble, ils baignèrent dans le ruisseau aux ondes frissonnantes, leurs pieds fatigués et enflés par une longue marche, à l’heure où l’astre de feu projetant sa lueur embrasée sur l’azur pâli du soir, descendait lentement derrière les monts mystérieux aux sommets irréguliers.