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MOSAÏQUE

On ne parla plus bientôt, dans le village, que de l’amour de Lucie pour l’étranger, qui s’était arrêté par une splendide journée de juillet dans le petit village de Champlain.

Il n’y a plus de feuilles dans les arbres, plus de fleurs dans les jardins ; la brise ne fait plus onduler le seigle, le sarrazin, le foin et l’avoine des champs ; le frileux rossignol et la gentille et svelte hirondelle ont fui vers des cieux plus cléments.

Le sol s’est recouvert d’une légère couche de neige, la première de l’année. Silence de mort. On dirait un cimetière.

Plus de gazouillis dans les tilleuls et les liserons en fleurs qui égayaient le cottage, où Réginald dérobait aux profanes sa Lucie et ses amours.

Pendant que le vent souffle au dehors en sifflant à travers les branches sèches — musique cacophone — et que le chien hurle lugubrement à la porte de la grange au détour de la route, Réginald et sa bien-aimée pleurent devant le foyer, où achève de se consumer, en pétillant sous le givre, une bûche de hêtre.

Dans la chambre, pas d’autre lumière que la lueur de l’âtre sur les murs.

Assise sur un pouf, aux pieds de Réginald, Lucie penchant la tête en arrière, offre sa bouche aux baisers, baisers fous, désespérés, mourants.

Il y a deux mois, tous deux ont été frappés d’un mal étrange, d’un mal qui ne pardonne pas.