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MOSAÏQUE
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est convenu d’appeler l’âge mur. Un fruit, d’habitude, est mûr, lorsqu’il est bon à mettre sous la dent et à caresser le palais. Mais, une belle-mère à son âge mûr, est à l’époque où le fruit se trouve dans toute son âcreté, alors qu’on ne peut le croquer sans faire une épouvantable grimace.

Madame Legris avait toujours eu la prétention d’être une femme très acceptable, et, sur ce point, ne souffrait pas la moindre contradiction. Un jour, un de ses amis pour avoir voulu, dans un fier élan de franchise, lui faire entendre le contraire, dans des termes très délicats, du reste, fut banni à jamais de son cercle, et attira, sur sa tête, les foudres de la haineuse femme.

Elle n’était pas jolie, non, ni même acceptable. Ses rares cheveux grisonnants, d’un gris de brouillard, étaient relevés, au sommet de la tête, en une torsade maigrichonne. Le nez pointait en avant comme le bout d’un soulier que le temps a travaillé. Derrière une paire de lunettes à la monture dorée — monopole de la bourgeoisie — se cachaient deux yeux de fouine, qui semblaient fouiller jusqu’au plus profond de la pensée. Aucun ne voulait le dire trop haut, mais plus d’un soupçonnait fort que madame Legris empruntait quelques-uns de ses attraits au marchand de corsets de la famille.


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