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ENSEMBLE

fatigue, ce qui a été laissé par les fourches aux dards luisants.

Partout, un calme plat, interrompu tantôt par le cri d’un oiseau qui prend ses ébats dans la feuillée, tantôt par le trot incertain de quelque bonne rosse conduite par une vieille fermière aux joues rubicondes.

Armé d’un noueux bâton de route, le buste droit, un piéton marchait allègrement le long de la trace battue par les roues des cabriolets. Ce marcheur infatigable, sûr, était un étranger dans la contrée. Son air, son maintien, son costume, n’avaient pas ce caractère auquel on reconnaît le Canadien de nos campagnes, qui tout de suite, sent le terroir.

Le marcheur s’est arrêté.

Dans l’embrasement du midi, comme entourée d’une auréole, une jeune fille est debout appuyée sur son râteau laborieux, près de la clôture en pieux de bois brut.

Elle n’est pas grande la petite moissonneuse, et cependant elle est jolie, très jolie avec sa longue robe d’indienne à fond pâle parsemé de myosotis d’un bleu tendre.

Il fait si chaud qu’il a bien fallu entr’ouvrir le haut du corsage, et laisser entrer, pour rafraîchir les seins palpitants, une légère brise embaumée de fleurettes et pâquerettes des champs. La tête, toute pleine de brindilles de foin, est couverte d’un chapeau de paille, dont les larges bords projettent l’ombre jusqu’au milieu du visage.