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FIN D’UN CÉLIBATAIRE

ta bouteille. Non, soit, je la garderai comme un souvenir impérissable de mon meilleur ami ».

« Jupiter, » dit Horace, « commence par rendre fous ceux qu’il veut perdre ».

Gaston, décédé au monde de la raison, endossa son habit de gala, tempêta et jura comme un Écossais en mettant son faux-col, se fit une cravate aussi inextricable que le nœud gordien.

Équipé comme pour le bal du lieutenant-gouverneur, le pauvre Gaston dirigea ses pas, raffermis par la volonté, vers le cottage où se cachait sa Suzanne.

La jeune fille, en ouvrant la porte à son chevalier errant, crut, tout d’abord, qu’il lui faisait la gracieuseté de la conduire au théâtre. Aussi se dit-elle qu’il aurait pu la prévenir quelques heures plus tôt.

Cependant, l’inopiné visiteur s’était royalement installé sur un moelleux sofa, aux souples ressorts.

Après avoir abordé successivement la pluie et le soleil, le chaud et le froid, Suzanne eut un mot pour les derniers bals, « euchre-parties » et « five o’clock teas, » trouvant à toutes un défaut et à tous une qualité prédominante, matière d’amorce.

Finalement, çà devait arriver, on piqua une pointe dans le pays du tendre, on s’aventura témérairement dans les forêts vierges de l’amour.

Subjugué par les charmes de la jeune fille, fasciné par ses grands yeux noirs, et surtout, aiguillonné par l’ultraémotion et le besoin d’expansion qui moussait dans son être démâté, l’infortuné garçon tomba dans