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FLORENCE

une riche chevelure brune, séparée sur le côté de la tête, imberbe, voilà Hubert.

Au moral, le même enfant gâté. Une intelligence d’élite, de l’esprit plein les yeux, une bravoure à toute épreuve, et surtout un cœur de femme.

Moins bien favorisé sous le rapport de la fortune, de cette pénurie, cependant, il avait retiré une ressource qu’il n’aurait pas acquise au sein de l’opulence. Luttant tous les jours, dans le rude struggle for life, il s’était vu maître d’une énergie qu’il n’aurait pas eue à un si haut degré, possesseur d’une fortune qui donne le pain quotidien, sans en laisser apprécier la valeur.

— Allons, Hubert, dit Alfred Rapeau, tête légère, mais bon cœur, tu me sembles triste ce soir. Viens noyer ton chagrin dans un petit verre de vin. Si tu as des peines d’amour, je t’assure que cela aura pour toi le même effet que les eaux du Léthé.

— Merci, mon cher, je ne me sens pas bien ce soir, et je vous prie de m’excuser, mes amis. Bonsoir.

— Pauvres garçons, pensa Hubert, en les quittant ; comment peuvent-ils être si gais, alors que notre malheureuse patrie, que notre Canada souffre tant ?

Hubert aimait son pays d’un amour qu’il plaçait au-dessus de tout. Pour sa religion, sa patrie, ses coutumes et ses lois, il se fût laissé hacher en morceaux.

Et tout absorbé dans ses sombres pensées, inquiété par l’avenir menaçant, gros de nuages, il redoutait la tempête qu’il voyait poindre à l’horizon, comme le marin dont l’œil perçant sait distinguer le grain qui va mettre le ciel en feu et bouleverser les flots si calmes un instant auparavant.