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j’ai été mordu par la passion des cartes… Mais, fit-il, en se reprenant, quand je dis la passion des cartes, je veux parler du bridge… Au grand jamais ! nous ne mettons d’argent à l’enjeu : c’est contre mes principes… Chaque soir, des amis viennent jouer avec moi… Ma fille, seule, ne joue pas… Elle n’a jamais voulu apprendre le bridge. Un si beau jeu !…

Dans mon for intérieur, je l’en aimai davantage et la contemplai avec une admiration émue : elle ne connaissait pas le bridge !…

Les amis arrivés, nous jouâmes au bridge jusqu’à une heure.

Et toutes les ouvertures étaient fermées, et nous rôtissions comme dans un four à chaux. Mais le notaire, comme on l’appelait dans le village, tenait constamment et fenêtres et portes closes.

Il prétendait que le moindre courant d’air était contraire à sa constitution qu’il soignait avec une sollicitude toute paternelle.

Le lendemain, soirée chez M. le maire.

Faut vous dire que l’on faisait les choses en grand dans ce village. On jouait au high life des villes tapageuses. On y mettait un sérieux et une bonne foi touchants. La comédie, parfois, n’était pas trop mal réussie. Mais aussi, il arrivait que c’était délicieux !… Cette parodie mondaine me rappelait joliment les petites filles qui s’affublent des jupes de leurs mamans pour donner leurs five o’clock teas.

Je balançai longtemps avant d’accepter l’invitation