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de Jean, la comtesse endormie, les tresses blondes de la mère mêlées aux boucles noires de l’enfant.

La malheureuse n’a pas eu le temps de crier. Pour empêcher la femme de donner l’alarme — le moindre cri eût été fatal — l’Agniehronnon lui applique une main ferme sur la bouche, tandis que de l’autre il saisit une écharpe à sa portée, et en bâillonne sa victime.

Des spectres horribles se dressent menaçants devant les yeux hagards et épouvantés de la mère, qui regarde son enfant. Cette vision la jette dans une terreur indicible.

Elle perd tout sentiment de la vie et s’affaisse sur le parquet.

Ce fut son salut.

Aontarisati, en effet, levait déjà son bras armé du couteau, quand il remit son arme à sa ceinture en disant :

— Jamais Aontarisati n’a frappé une femme sans défense.

Cependant, il avait promis au sagamo un gage de sa parole.

Il ne pouvait retourner sur ses pas avec ce lourd fardeau, et il n’y avait pas un instant à perdre.

Bientôt les étoiles allaient disparaître une à une pour faire place à l’aube hâtive de cette saison.

Aontarisati porta ses regards sur l’enfant qui dormait, avec un sourire aux lèvres, le sourire qu’avait créé sa mère en imprimant ses lèvres sur les siennes avant de l’endormir.