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Le lendemain, qui était un dimanche, les villageois, en se rendant à la messe, aperçurent avec stupeur, dans le modeste cimetière, un jeune veau à la robe noire étendu sur le flanc — étrange coïncidence — en travers de la tombe de mon oncle Césaire. Le pauvre animal avait perdu tout son sang par un trou béant à la tempe.

Et le castor de mon oncle Césaire, maintenu par une corde en filasse, était crânement penché sur le côté de la tête de la bête, comme s’il avait voulu en cette heure suprême prendre un air imposant. Ses dernières paroles avaient dû être : « J’m’en vas dire comme Cambronne à Waterloo : « La garde meurt mais ne se rend pas ! ».

Au milieu de la route on avait ramassé le fusil du maréchal ferrant.

***

Cette aventure faillit coûter la vie à son héros. Durant quinze jours et quinze nuits, il fut dans le délire. Il ne sut jamais la farce qu’on lui avait jouée. Souvent, un mal finit par un bien, car ce fut pour son bonheur.

Aujourd’hui, on le voit, à chaque anniversaire de la mort de son ami, aller prier avec sa femme, Virginie Arcand, et ses enfants, sur la tombe de M. Lahaye.

Mais le castor de Chénier repose sur la tombe de mon oncle Césaire.