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C’est pour ça que tu me déniches dans ce maudit grenier. Je ne t’apprends rien de nouveau, pour avoir discuté la chose si souvent avec toi, en te répétant que j’exècre l’étude de la médecine et que mon père tient mordicus à ce que je sois médecin. Après plusieurs entrevues quelque peu animées, il a pris un parti extrême. Voyant que, de parti pris, je refusais de me ranger à son avis, il me montra tout simplement la porte : « Mon cher Roland, dit-il, quand tu seras plus sage, tu reviendras au logis. En attendant, rêve, flâne, meurs de faim, fais ce qu’il te plaira, peu m’importe ! »

Là-dessus, je lui demande aussi respectueusement que possible dans les circonstances combien il m’alloue de pension. « Rien » me répond-il. Bref, larmes de ma mère, sanglots de ma sœur, je boucle ma malle et, après avoir déménagé trois fois depuis huit jours, me voilà.

Paul. — Tu es un idiot.

Roland. — Merci. Mon père m’a souvent fait la même remarque.

Mes provisions sont épuisées. Ma mère m’avait glissé dix piastres, à mon départ, ma sœur deux. Et voici ce qu’il me reste. (Il retourne à l’envers les poches de son pantalon).

Et dire que ces choses-là se passent au vingtième siècle, dans un pays civilisé. Ma foi ! on se croirait au moyen-âge des îles Fidji.