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Lionel. — Ce courroux, Madame, en rosant le marbre de votre front, ajoute un nouveau lustre à votre attirante beauté…

Mme Beaudry (se levant de sa bergère). — Je n’entendrai plus rien… Vous êtes un insolent !…

Lionel (lui posant gentiment la main sur le bras pour la forcer à se rasseoir). — Veuillez m’accorder quelques minutes encore : j’ai fini. Je n’ignore pas, en effet, qu’il est de très mauvais ton d’abuser des instants d’une femme charmante, instants précieux qu’elle peut consacrer à la culture de ses grâces.

Je disais donc que je souhaiterais que ma femme parût dans le monde, après mon trépas, parée de bijoux et le sourire aux lèvres. N’est-ce pas logique ?… Pourquoi imposer à vos amis qui, eux, n’ont rien fait pour vous affliger, le spectacle d’une figure allongée comme un carême ?…

Aurez-vous réellement plus de douleur de la perte d’un être chéri parce que vous demanderez à vos proches et à vos voisins de la partager ?… Dans le secret de l’alcôve, pleurez, criez, gémissez, arrachez-vous les cheveux — ce que ne fera jamais la femme — parfait ! Mais, de grâce ! laissez votre tristesse et son lamentable cortège à la porte de votre chambre.

Le deuil se porte dans le cœur et non sur les lèvres ni les épaules…