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loin de là. Et combien de dévouements héroïques et ignorés de la part de celles que l’on est trop souvent enclin à tourner en ridicule.

Ce soir-là donc, ma tante, d’un caractère naturellement doux, donna libre cours à sa colère.

Quand elle vit que tout était fini, que le Prince charmant si longtemps attendu, si impatiemment désiré ne se présentait pas, elle bondit sur le talisman qu’elle tint en partie responsable de sa guigne, et, par la fenêtre ouverte, le lança rageusement dans la rue :

— Loin d’ici, fer à cheval de malheur ! s’écria-t-elle.

Et elle s’écroula sur sa couche, la tête enfouie dans l’oreiller qu’elle mouilla de ses larmes.

***

À ce moment précis traversait la rue un monsieur bien mis, qui, de goûts pacifiques, avait juré ses grands dieux, lui, de ne jamais prendre femme, n’aimant pas les aventures.

Il avait trente-cinq ans. C’était donc un jeune homme, bien que son crâne fût chauve comme un œuf. Ni beau ni laid, d’une intelligence ordinaire, pas de vices, le cœur sur la main, employé de l’État à l’hôtel de la Douane, Arthur Bournival était un parti fort acceptable pour une jeune fille qui ne passe pas son temps à bâtir des châteaux en Espagne dans le pays des romans.

Il arriva donc que, au moment où le monsieur en question mettait le pied sur le trottoir en bois aux